Démission d’office et condamnation pénale Conseil d’Etat

26/07/2014 17:35

Démission d’office et condamnation pénale

Jusqu’en 1994, une condamnation pénale entraînait automatiquement la démission d’office. Depuis, ce régime juridique a fait l’objet de quelques modifications et précisions.

Le « nouveau » Code pénal de 1994

L’automaticité de la perte de la capacité électorale à la suite d’une condamnation a été supprimée avec l’entrée en vigueur du « nouveau » Code pénal le 1er mars 1994. Ainsi, depuis cette date, la perte de la capacité électorale doit en principe être expressément prévue dans le jugement pour être effective.

L’article L. 7 du Code électoral

L’article L. 7 du Code électoral, introduit par une loi du 19 janvier 1995 (1), prévoit les cas de condamnations pénales pour lesquelles une incapacité électorale automatique temporaire est prévue. Cette incapacité temporaire automatique constitue une forme de peine complémentaire. Elle trouvait auparavant à s’appliquer dans le cadre de condamnations pour des manquements à la probité (concussion, corruption passive, prise illégale d’intérêts, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics… voir aussi « Sanctions pénales prévues par la loi« ). Auparavant, une personne condamnée pour l’une de ces infractions ne pouvait, en vertu de l’article L. 7 du Code électoral, être inscrite sur une liste électorale pour une durée de 5 ans, que cette incapacité ait été expressément prévue par le jugement pénal ou non. Désormais, une telle privation doit être expressément prévue dans le jugement. En application du Code électoral (2), le préfet est tenu de prononcer la démission d’office d’un conseiller condamné de la sorte dès que la condamnation est devenue définitive (3).

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Oui si le juge pénal a déclaré exécutoire par provision la peine complémentaire de privation des droits civiques. Un préfet est ainsi fondé à déclarer démissionnaire de ses mandats de conseiller municipal et communautaire un élu condamné des chefs de favoritisme et de détournement de biens publics, le tribunal correctionnel ayant prononcé l’exécution par provision de la peine complémentaire d’inéligibilité. Peu importe ainsi que le jugement ait été frappé d’appel et que, même dans l’hypothèse où la culpabilité de l’élu serait confirmée, la cour d’appel puisse encore juger inappropriée une peine de privation des droits civiques.

 

Un maire, par ailleurs conseiller communautaire, est condamné en première instance du chef de favoritisme et de détournement de biens publics. Il lui est notamment reproché d’avoir :

- favorisé une entreprise dans l’attribution d’un marché public en lui confiant la rédaction du cahier des charges ;

- confié à des fonctionnaires municipaux la réalisation de travaux à son domicile [2].

En répression l’élu est condamné à douze mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros. Le tribunal correctionnel prononce également une peine complémentaire de privation de ses droits électoraux et de son droit d’éligibilité pour une durée de 5 ans. Il déclare cette dernière peine, comme l’y autorise l’article 471 du code de procédure pénale, exécutoire par provision.

Sur la base de ce jugement non définitif, un appel ayant été interjeté, le préfet engage une procédure de démission d’office à l’encontre de l’élu. Nul ne peut en effet exercer un mandat électif alors qu’il est privé de ses droits civiques.

L’élu conteste une telle procédure, la cour d’appel pouvant encore le relaxer des chefs de la prévention ou, en cas de confirmation de sa culpabilité, ne pas juger adaptée la peine d’inéligibilité prononcée par le tribunal correctionnel. Il soulève une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la faculté laissée ainsi au juge pénal de déclarer exécutoire par provision une peine d’inéligibilité.

Le Conseil d’Etat botte en touche, les dispositions contestées [3] ne pouvant être regardées comme applicables au litige dont le juge administratif est saisi. Or il s’agit là de l’une des trois conditions autorisant le Conseil d’Etat à saisir le Conseil constitutionnel d’une QPC [4].

Il faudra donc attendre une éventuelle transmission d’une QPC présentée devant les juridictions répressives pour connaître la position du Conseil constitutionnel sur ce point.

Le Conseil d’Etat valide en conséquence la procédure de démission d’office engagée par le préfet :

« dès lors qu’un conseiller municipal ou un membre de l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale se trouve, pour une cause survenue postérieurement à son élection, privé du droit électoral en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire, le préfet est tenu de le déclarer démissionnaire d’office ».

Le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence ayant décidé l’exécution par provision de la peine complémentaire de privation des droits électoraux et d’éligibilité, c’est à bon droit que le préfet a constaté que l’intéressé était privé du droit électoral et, en application de l’article L. 236 du code électoral, l’a immédiatement déclaré démissionnaire de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire.

Conseil d’Etat, 20 juin 2012, N° 356865

Ce qu'il faut en retenir

- Un élu privé de ses droits civiques ne peut continuer à exercer son mandat. Le préfet doit engager à son encontre une procédure de démission d’office.

- En principe la peine prononcée ne devient exécutoire que lorsqu’elle est définitive, c’est-à-dire à l’expiration des voies de recours. Sauf si le juge pénal déclare, comme en l’espèce, la peine exécutoire par provision.

- Dans cette hypothèse un élu, non encore définitivement jugé, peut être contraint de démissionner. Peu importe que l’élu puisse encore bénéficier d’une relaxe ou que la peine complémentaire de privation des droits électoraux et d’éligibilité soit ultérieurement infirmée.

- Rappelons que depuis la censure par le Conseil constitutionnel de l’article L7 du code électoral, la peine d’inéligibilité ne peut plus résulter de plein droit d’une condamnation pénale mais doit être expressément prononcée par le juge pénal.

Textes de référence

- Article 471 du code de procédure pénale

- Article L230 du code électoral

- Article L236 du code électoral