Cour de cassation
Cour de cassation
Les arrêts rendus en cette matière par la Chambre criminelle sont aussi nombreux que riches d’enseignements.
Nombreux, car cette infraction a bénéficié d’un regain d’attention certain et les poursuites engagées ont atteint, ces dernières années, des personnalités connues. Le délit a même pu susciter, en certaines occasions, un véritable effroi collectif, comme par exemple celui des maires de communes rurales concernant la passation des baux ruraux, réaction d’autant plus surprenante qu’il s’agit d’une incrimination ancienne, présente dès l’origine dans le code pénal napoléonien, et dont les sources peuvent être recherchées jusque dans la législation d’Ancien Régime.
Riches d’enseignement, parce qu’un certain nombre de questions qui n’avaient jusqu’à ce jour pas été tranchées, faute d’avoir été soumises à la Cour de cassation, ont été résolues. Ainsi en est-il des solutions apportées en ce qui concerne la nature de l’intérêt (A) et la nature du contrôle exercé sur l’affaire dans laquelle est pris l’intérêt (B).
La sévérité des dispositions de l’article 432-12 du Code pénal a ainsi été mise en évidence.
Aussi ne s’étonnera-t-on pas des pressions exercées de divers endroits, en vue soit de modifier ce texte (proposition de loi votée au Sénat autorisant, sous certaines conditions, la conclusion, par des élus communaux, de baux ruraux portant sur des terres appartenant à la commune, proposition non transmise à l’Assemblée nationale), soit d’en atténuer la portée par l’adoption de lois extra-pénales, comme par exemple l’actuel article L.1524-5 du Code général des collectivités territoriales, relatif à la rémunération des élus locaux représentant leur collectivité dans les sociétés d’économie mixte, que la Chambre criminelle n’a d’ailleurs pas refusé de prendre en compte (C).
A. La nature de l’intérêt : ubi lex non distinguit...
La Chambre criminelle a reconnu depuis longtemps que le délit de prise illégale d’intérêts est constitué par l’intérêt personnel patrimonial pris par une personne exerçant des fonctions publiques dans une affaire sur laquelle elle exerce l’une des formes de contrôle prévues par la loi.
Si de nouvelles applications de ce principe méritent certes d’être soulignées, comme l’arrêt du 7 mai 1998 (Bull. n° 157) qui a tenu ce délit pour caractérisé dans le cas d’un maire ayant recruté, comme agents communaux, des personnes qu’il employait à son service personnel, il n’en reste pas moins que ce n’est pas sur ce terrain que les avancées les plus significatives ont été accomplies.
La véritable question était de savoir si la prise d’intérêts devait rester subordonnée au critère de l’intérêt personnel et patrimonial ou si elle pouvait aussi être de nature morale, familiale.
Cette question avait rarement été posée en ces termes à la Cour de cassation. Doctrine, jurisprudence des juridictions du fond, certaines décisions motivées des autorités de poursuite s’opposaient.
Un arrêt de la Chambre criminelle (11 janvier 1956, Bull. n° 39) était parfois cité au soutien de la thèse selon laquelle l’intérêt pourrait être de nature simplement morale. Or l’interprétation en était délicate. Si le moyen de cassation posait en effet cette question, la chambre l’avait en quelque sorte éludée en rappelant, dans ses propres motifs, les constatations souveraines des juges du fond, selon lesquelles l’économe du lycée en cause avait participé à la gestion de la société à laquelle il passait les commandes et dans laquelle il avait fait engager son fils.
Dans trois arrêts récents, la Chambre criminelle a défini sa position : elle a reconnu de la manière la plus nette qu’un intérêt simplement moral constitue l’intérêt dont la prise, la réception ou la conservation est interdite.
Le premier arrêt, resté inédit, est passé relativement inaperçu (20 février 1995, pourvoi n° N 94-81.186).
Dans cette affaire, la Chambre criminelle a considéré que le délit d’ingérence était caractérisé à l’encontre d’un maire qui avait signé deux contrats (rénovation d’une école, concession de panneaux publicitaires) avec une société dont les associés n’étaient que des prête-nom de son fils, lui même membre de son cabinet.
A la différence de ce qu’elle avait fait dans l’arrêt de 1956, la Chambre criminelle a pris soin de relever, cette fois, que les énonciations relatives à la gérance de fait exercée par le prévenu dans la société, n’étaient pas déterminantes dans la caractérisation, en l’espèce, du délit. Le maire n’avait pas d’autre intérêt dans l’affaire que celui de fournir du travail à la société dans laquelle son fils avait, lui, des intérêts patrimoniaux.
La voie était ainsi ouverte à l’affirmation suivant laquelle la constatation d’un intérêt moral peut suffire à caractériser l’infraction.
Admis, le principe d’un intérêt moral n’était toutefois pas désigné expressément comme tel.
Le pas décisif devait être franchi dans un arrêt du 5 novembre 1998 (Bull. n° 289).
Dans cette affaire, le président d’une chambre de commerce et d’industrie avait octroyé la sous-concession du domaine public et d’exploitation d’un parking situé sur l’aéroport de Toulouse à une SARL dont son gendre, porteur de parts par l’intermédiaire d’un prête-nom, était le directeur technique.
Pour écarter le moyen proposé au soutien de la cassation de l’arrêt de la cour d’appel qui avait condamné le prévenu, la Chambre a solennellement indiqué : " Qu’en effet, le délit prévu par l’article 175 ancien, repris à l’article 432-12 du Code pénal, est caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral direct ou indirect."
Cette position a été ultérieurement confirmée par un arrêt de cassation.
La Chambre criminelle, dans un arrêt du 29 septembre 1999 (n° 5683, en cours de publication), a en effet cassé, sur le pourvoi du procureur général près la cour d’appel de Colmar, un arrêt de ladite Cour qui avait relaxé un maire ayant signé lui même ou fait signer par son premier adjoint, des actes d’engagement portant sur des travaux de construction de bâtiments communaux avec son gendre lequel était architecte.
Au soutien de sa décision de relaxe, la cour d’appel de Colmar avait fait valoir que le législateur n’avait "pas prévu de prise d’intérêt moral ou familial."
La position adoptée par la Chambre criminelle dans l’arrêt du 5 novembre 1998 devait logiquement conduire à la censure de la décision de la juridiction alsacienne, ce qui advint, par une motivation identique à celle ci-dessus rapportée.
Des objections pourront être formées contre cette solution.
D’aucuns feront valoir qu’à partir du moment où l’on considère que l’intérêt, au sens de la loi pénale, est caractérisé lorsqu’un marché est accordé à un gendre ou une concession de domaine public dévolue à un enfant, il le sera aussi quand le bénéficiaire de la décision sera le concubin d’un enfant (situation soumise au tribunal correctionnel de Draguignan, qui, par jugement du 22 décembre 1997, a retenu le délit), mais encore quand le bénéficiaire sera par exemple un ami ou une connaissance, de sorte que les limites de l’incrimination seront indéfiniment repoussées.
L’on peut répondre à cette objection que la situation délictueuse s’arrête là où le soupçon n’a plus cours et qu’il appartiendra aux juges du fond de faire le partage, dans cette dernière hypothèse, entre les cas où la décision publique ne peut être soupçonnée de partialité et ceux où elle peut l’être. Il s’agit d’une question de fait.
D’autres souligneront que cette solution pourrait créer des situations quelque peu paradoxales : l’on sait, par exemple, que dans les communes de moins de 3500 habitants, un maire peut obtenir une autorisation pour acquérir un bien appartenant à la commune pour créer ou développer son activité professionnelle (article. 432-12 al 4). La femme ou le fils d’un maire ne peuvent bénéficier d’une telle autorisation. La position adoptée par la Chambre pourrait les empêcher d’acquérir un bien appartenant à la commune pour développer leur propre activité professionnelle parce que la décision du maire, qui est leur parent, exposerait celui-ci à des poursuites du chef d’ingérence par prise d’un intérêt moral. Ils se trouveraient donc soumis à une prohibition plus sévère que celle à laquelle est astreint le maire qui peut, lui, sous certaines conditions, être autorisé à prendre pour lui-même un intérêt patrimonial dans les affaires qu’il surveille. Le même raisonnement peut être tenu en matière de fournitures de services ou de transfert de biens immobiliers ou mobiliers, le maire pouvant lui même traiter, sous certaines conditions, avec la commune dans la limite d’un montant annuel de 100.000 F.
Ces inconvénients n’ont pas paru à la Chambre criminelle de nature à justifier une solution différente. Il appartient en effet au législateur et à lui seul d’apprécier la cohérence de la loi au regard de l’interprétation faite des principes qu’il a posés et de la corriger s’il l’estime nécessaire.
Or cette interprétation s’est imposée dans la mesure où le texte d’incrimination mentionne la prise d’un intérêt quelconque et n’opère aucune distinction quant à la nature de cet intérêt.
Par ailleurs, elle est conforme à la finalité du texte d’incrimination qui a pour but d’éviter qu’une personne chargée d’une fonction publique ne s’en serve dans son intérêt personnel ou puisse seulement être soupçonné de ne pas en user conformément à l’intérêt général. Comme l’indiquait le conseiller d’Etat rapportant devant le corps législatif, le 6 février 1810, les dispositions relatives au délit d’ingérence, "la considération qui environne les fonctionnaires naît principalement de la confiance qu’ils inspirent et tout ce qui peut altérer cette confiance ou dégrader leur caractère doit leur être interdit". L’attribution d’un marché ou l’octroi de toute autre décision favorable, par une personne exerçant une fonction ou une mission publique, à un membre de sa famille serait soupçonnée d’avoir été décidée en considération de critères étrangers à l’intérêt public et la confiance des administrés en serait forcément altérée.
Cette solution ne constitue pas la seule nouveauté en la matière. La surveillance ou plutôt le contrôle exercé sur une affaire, pour prendre une expression générique regroupant toutes les formes de pouvoir énumérées dans l’article 432-12, a fait l’objet d’intéressantes précisions.
B. La nature du contrôle exercé : le problème de la participation à une délibération
Dans un arrêt du 19 mai 1999 (Bull. n° 101), la Chambre criminelle a considéré que "la participation d’un conseiller d’une collectivité territoriale à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du Code (pénal)".
Force est pourtant de constater que la participation à une délibération n’est pas spécifiquement prévue par ce texte.
La Chambre criminelle avait fait pour la première fois allusion au "droit de délibérer" comme pouvant constituer l’une des formes de contrôle sur l’affaire prévue par la loi, dans un arrêt du 10 février 1988 (Bull. n° 69), relatif à des agents d’Electricité de France. Encore était-ce pour constater que les agents en cause ne disposaient pas d’un tel droit, ni d’aucune des prérogatives de nature à leur conférer la qualité d’agent du gouvernement, ce qui avait eu pour conséquence d’entraîner la cassation de l’arrêt de la cour d’appel qui les avait condamnés.
Il convient de souligner que n’est envisagée, en l’espèce, que l’hypothèse où la participation à la délibération constitue la seule forme du contrôle exercé par l’intéressé sur une affaire.
La solution rapportée est donc différente de celle retenue dans les nombreuses décisions dans lesquelles la Chambre criminelle a tenu le délit pour caractérisé dès lors qu’un maire, par exemple, participait à la délibération du conseil municipal statuant sur une affaire dans laquelle il avait intérêt. Le président d’une collectivité territoriale est en effet présumé avoir surveillance générale des affaires de cette collectivité et le délit aurait été constitué à leur égard en dehors même de cette participation à ladite délibération.
Il convient en effet de ne pas confondre la délibération qui caractérise la seule prise d’intérêts dans une affaire dont la surveillance est caractérisée par ailleurs (solution acquise) et la délibération dans laquelle se cristallisent à la fois la surveillance et la prise d’intérêt (solution nouvelle).
En dehors des cas où la participation à la délibération ne constitue que la partie la plus saillante d’un prise illégale d’intérêts, qui aurait été caractérisée de toute façon à partir d’autres actes, il convient donc de souligner la réelle nouveauté de la solution retenue par la Chambre.
Cette solution se justifie d’ailleurs pleinement par les raisons suivantes :
- d’une part, la participation à une délibération constitue l’occasion d’influencer la décision qui en résulte ou, en tout cas, d’en faire naître le soupçon ; on relèvera à cet égard que la jurisprudence administrative, lorsqu’elle annule sur le fondement de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales (ancien L.121-35 du code des communes) une délibération à laquelle un élu intéressé à l’affaire a pris part, exige que la preuve d’une influence effective sur la manifestation de volonté de l’assemblée concernée soit rapportée et que l’intérêt de l’élu en cause ait été distinct de celui de la généralité des habitants de la commune (cf. CE, Commune d’Oullins/association Léo Lagrange, 16 décembre 1994, pourvoi n° 14-45.370).
- d’autre part, l’article 432-13 du Code pénal qui incrimine la prise d’intérêts par un ancien fonctionnaire ou une personne assimilée, plus connue sous le nom de "pantouflage", prévoit que le simple fait d’avoir exprimé un avis sur une opération effectuée par une entreprise privée, interdit à ce fonctionnaire de prendre un intérêt dans cette entreprise dans les 5 ans suivant la cessation de ses fonctions. Si le délit peut être imputé à un ancien fonctionnaire en considération du fait qu’il a, du temps où il exerçait ses fonctions, exprimé un avis sur une opération, la logique impose que l’infraction prévue par l’article 432-12 puisse être retenue à l’encontre de la personne qui participe à une décision collégiale durant le temps où elle exerce ses fonctions publiques.
Dans un arrêt rendu peu de temps après (8 juin 1999, n° 2592), la Chambre a fait application de la même solution dans un domaine sensible, celui de la participation des élus à l’administration et à la gestion des sociétés d’économie mixte et des rémunérations qui peuvent y être afférentes.
Elle a considéré que le fait, pour un adjoint au maire, de participer à une délibération du conseil municipal de la ville l’autorisant à percevoir, sur le fondement de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 6 février 1992, une rémunération de la part d’une société d’économie mixte dont il était directeur général, suffisait à constituer le délit de prise illégale d’intérêts. La Cour a relevé qu’il importait peu que la délibération n’eut pas été déclarée nulle, faute d’avoir été déférée devant la juridiction administrative. En écho à cette dernière considération, l’on signalera que dans une autre espèce, la Chambre a décidé que l’annulation d’une décision servant de base aux poursuites ne fait pas obstacle aux poursuites pénales lorsque l’acte annulé était lui même constitutif du délit (5 octobre 1999, n° 5828).
L’arrêt du 8 juin 1999, qui n’est pas le seul dans lequel il a été fait application des dispositions de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 6 février 1992 devenu l’article L.1524-5 du Code général des collectivités territoriales, nous amène à envisager la prise en compte par la chambre criminelle de lois extra pénales dans la constitution de l’infraction de prise illégale d’intérêts.
C. De l’influence de lois extra pénales sur la constitution du délit
Selon l’article L.1524-5 du Code général des collectivités territoriales, les élus locaux représentant une collectivité territoriale au conseil d’administration d’une société d’économie mixte peuvent exercer dans cette société des fonctions rétribuées lorsqu’ils y ont été autorisés par une délibération expresse de l’assemblée qui les a désignés.
La Chambre criminelle a tiré à plusieurs reprises les conséquences de l’existence d’une telle disposition, notamment dans des arrêts du 6 août 1996 (Bull. n° 305) et du 2 juin 1999 (Bull. n° 118).
Dans le premier arrêt, elle a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de non-lieu de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Montpellier, dans les poursuites engagées contre l’adjoint au maire d’une commune. Ce dernier, représentant sa commune au conseil d’administration d’une société d’économie mixte, avait en outre exercé, au sein de cette société, des fonctions rémunérées de directeur général.
La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi, mais en substituant au motif de l’arrêt attaqué, pris de l’absence d’intention délictueuse, le motif suivant lequel la perception de cette rémunération ayant été autorisée par une délibération du conseil municipal, conformément à l’article L.1524-5 du Code général des collectivités territoriales, ces faits n’étaient plus punissables en application de l’article 112-1 alinéa 3 du Code pénal, qui pose le principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce.
Il en résulte que l’autorisation accordée sur le fondement de la loi civile paralyse l’application de la loi pénale, dont l’autonomie n’a pas été ici invoquée.
La loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, relative à ce qu’il est convenu d’appeler "l’essaimage", s’inspire du même système de contournement de la loi pénale par des dispositions de nature civile.
Elle permet à des chercheurs du secteur public de prendre des intérêts dans des entreprises exploitant les découvertes qu’ils ont faites dans le cadre de leur fonction publique. Plusieurs formes de coopération sont prévues. Elles sont toutes soumises à l’autorisation de l’autorité hiérarchique, qui prend sa décision après avis de la commission instituée par la loi du 29 janvier 1993, couramment dénommée "commission de déontologie". La circulaire du ministère de l’éducation nationale et de la recherche, en date du 7 octobre 1999, indique à ce propos : "Ce type de collaboration était dans bien des cas constitutive du délit de prise illégale d’intérêts (...). Etant maintenant prévue par un texte législatif, cette situation perd son caractère punissable au point de vue pénal et disciplinaire si le cadre dressé par la loi a été strictement respecté."
Dans le second arrêt, la Chambre criminelle a, au contraire, cassé un arrêt ayant condamné un conseiller général et maire d’une commune qui, en tant que président d’un syndicat intercommunal, avait fait prendre à celui-ci des décisions favorables à une société d’économie mixte dont il était président du conseil d’administration, au sein duquel il représentait la commune.
Comme cette société lui versait des indemnités, la Chambre criminelle a estimé que la cour d’appel aurait du examiner les faits au regard des dispositions de l’article L.1524-5 du code général des collectivités territoriales. Si la rémunération avait été autorisée dans les conditions légales, le délit aurait alors pu ne pas être constitué
On relèvera, en outre, que, dans cet arrêt, la Chambre semble admettre que le fait de présider ces deux organismes en tant que représentant d’une collectivité publique ne fait pas en soi obstacle à la caractérisation du délit. Il est vrai que ce genre de situation ne paraît pas avoir été fréquemment soumis aux juridictions pénales, les conflits d’intérêt se situant davantage à la confluence d’une fonction publique et d’une affaire privée. Il paraît prudent d’attendre une décision plus explicite avant de pouvoir affirmer qu’un conflit d’intérêts entre des fonctions qui ne sont exercées qu’en raison de mandats confiés par une collectivité publique est de nature à servir de cadre au délit de prise illégale d’intérêts.
Les potentialités d’une incrimination aussi ancienne que celle de prise illégale d’intérêts ne sont pas épuisées. A plus forte raison doit-il en être ainsi d’une incrimination nouvelle, comme celle de favoritisme.
II. LES PREMIÈRES DÉCISIONS DE LA CHAMBRE CRIMINELLE EN MATIÈRE D’ATTEINTE À LA LIBERTÉ D’ACCÈS ET À L’ÉGALITÉ DES CANDIDATS DANS LES MARCHÉS PUBLICS ET LES DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC
Le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, est plus souvent dénommé, par commodité, délit de favoritisme. Cette dénomination sera ici retenue.
Fait exceptionnel parmi les infractions qui incriminent les manquements à la probité dans l’exercice des fonctions publiques, cette incrimination est de création récente puisqu’elle est issue de l’article 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence.
Intégrée dans le code pénal dans l’article 432-14, elle a vu son champ d’application étendu, par la loi du 8 février 1995, aux délégations de service public, alors qu’elle était jusque là cantonnée aux seuls marchés publics.
L’un des intérêts majeurs de cette infraction, dans le cadre de la lutte contre les phénomènes de "corruption" au sens large du terme, est que, contrairement aux délits de corruption et trafic d’influence proprement dits, elle peut être caractérisée sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve de l’existence d’une contrepartie à la faveur accordée par la personne qui exerce la fonction ou la mission publique.
La Chambre criminelle a rendu ses premières décisions en la matière, encore peu nombreuses compte tenu des délais inhérents à l’arrivée, devant la Cour de cassation, d’un contentieux qui ne peut porter que sur des faits commis postérieurement à janvier 1991.
Parmi les décisions rendues, l’on peut distinguer celles qui concernent la procédure (A) de celles qui portent sur les éléments constitutifs du délit (B).
A. Les conditions de poursuite et de constatation de l’infraction
La Chambre criminelle a statué dans trois domaines distincts : la mise en mouvement de l’action publique (1), la prescription (2), le recours à des services techniques (3).
1) La mise en mouvement de l’action publique
La possibilité pour le ministère public de mettre en mouvement l’action publique n’étant évidemment pas discutable, c’est sur les conditions de sa saisine qu’un arrêt de la chambre a eu l’occasion de statuer (a).
Quant à la possibilité de se constituer partie civile au stade de l’instruction, elle a été expressément reconnue, avec les conséquences que l’on peut en tirer pour la mise en mouvement de l’action publique (b).
a) Les aléas de la saisine du procureur de la République
La Chambre criminelle a eu l’occasion de statuer dans une affaire qui met en relief l’articulation entre la mission interministérielle d’enquête sur les marchés (MIEM) et le ministère public.
La MIEM est chargée d’enquêter sur les conditions de préparation, passation et exécution des marchés publics et des délégations de service public.
Elle ne peut être saisie aux fins d’enquête que par certaines autorités, limitativement énumérées à l’article 2 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée (Premier ministre, ministres, préfet, Cour des comptes).
L’enquête qu’elle a conduite est communiquée au Premier ministre, à l’autorité qui l’a ordonnée et au procureur de la République, qui décide des suites qui doivent y être apportées.
Dans l’affaire à l’occasion de laquelle a été rendu l’arrêt du 1er octobre 1998, (n° 5505), le procureur de la République avait été saisi, par le chef de la MIEM, non d’une enquête, à laquelle la MIEM n’avait d’ailleurs pas procédé, mais de pièces transmises à cette dernière par le directeur général de la concurrence.
Pour rejeter le pourvoi formé contre l’arrêt de la chambre d’accusation qui avait refusé d’annuler l’avis adressé au parquet par le chef de la MIEM et la procédure subséquente, la Chambre criminelle a relevé que le chef de la MIEM n’avait fait qu’user du devoir que lui prescrivait l’article 40 du Code de procédure pénale de donner avis au procureur de la République de l’infraction de l’article 432-14 qu’il avait constatée, après examen des pièces que le directeur général de la concurrence s’était borné à lui transmettre, sans le "saisir", ce dernier ne figurait pas parmi les autorités habilitées à procéder à une telle saisine.
Ainsi, les pouvoirs spécifiques qui lui sont conférés ne mettent pas la MIEM à l’écart du champ d’application de l’article 40 du Code de procédure pénale.
On relèvera pour mémoire qu’un second arrêt, en date du 2 avril 1998 (n° 2219, publié) est intervenu, dans une affaire dans laquelle le procureur de la République avait ordonné une enquête préliminaire à la suite de la parution d’un article dans la presse régionale se faisant l’écho d’un conflit opposant le maire d’une commune à plusieurs de ses adjoints et autres conseillers municipaux concernant des marchés de travaux publics.
Compte tenu de la nature des moyens soulevés, la Chambre n’a pas statué spécialement sur ce point. Mais cet élément de fait tiré de l’arrêt permet de rappeler que le procureur de la République dispose du pouvoir d’ordonner d’initiative, en l’absence de toute saisine par un quelconque service d’enquête ou d’une quelconque plainte ou dénonciation, une enquête préliminaire et qu’il lui est ainsi loisible de mener, en matière économique et financière, une politique pénale indépendante des contingences liées à la saisine d’organismes extérieurs, qui, malgré leur caractère aléatoire, constituent pour l’heure la source quasi-exclusive de l’action pénale des parquets.
Mais l’action publique peut être également mise en mouvement par une constitution de partie civile.
b) La constitution de partie civile admise au stade de l’instruction
Dans un arrêt du 8 juin 1999 (Bull. n° 123), la Chambre criminelle a censuré une chambre d’accusation qui avait déclaré irrecevable la constitution de partie civile d’un syndicat intercommunal dans une information ouverte des chefs de favoritisme, trafic d’influence, corruption et recel.
Dans le cadre "du montage et de la dévolution" d’un marché portant sur un centre de traitement de déchets, ce syndicat intercommunal, avait choisi pour délégataire une société qu’il avait autorisée à en sous-traiter l’exploitation et dont les dirigeants s’étaient livrés à des opérations douteuses ayant conduit, suite à la dénonciation effectuée par une chambre régionale des comptes, à l’ouverture d’une information.
Si la Chambre criminelle a approuvé la chambre d’accusation d’avoir considéré comme indirect le préjudice causé à la société par la mise en examen de ses propres dirigeants des chefs précités, elle a en revanche cassé l’arrêt concernant la constitution de partie civile du syndicat intercommunal, au motif que "l’atteinte à l’égalité des candidats dans les marchés publics imputée au dirigeants de la société X... était de nature à entraîner un surcoût des frais engagés par ce syndicat et pouvait lui causer un préjudice direct."
Ce raisonnement, tenu dans le cadre d’une constitution de partie civile incidente, pourrait évidemment être transposé dans le cas d’une plainte avec constitution de partie civile mettant en mouvement l’action publique, les conditions d’appréciation de la recevabilité en étant identiques.
Une telle solution, qui fait échapper le délit de favoritisme à la catégorie des infractions d’intérêt général dont seul le ministère public assure la défense, est incontestablement de nature à faciliter l’exercice des poursuites.
Il en va d’ailleurs de même de la position adoptée par la Chambre pour ce qui concerne la prescription de l’action publique.
2) La prescription de l’action publique
Dans deux arrêts du 27 octobre 1999 (n° 6615 et 6616), en cours de publication, la Chambre criminelle a appliqué au délit de favoritisme la solution retenue depuis longtemps pour divers délits, parmi lesquels l’abus de biens sociaux, et dont on sait peu que la formulation est directement inspirée du droit intermédiaire : les Codes des 25 septembre, 6 octobre 1791 (titre VI, 1ère partie, articles 1 et 2) et du 3 brumaire an IV (articles 9 et 10) faisaient en effet partir la prescription du jour où les magistrats avaient eu connaissance du délit et avaient pu poursuivre.
La motivation de la chambre identique dans les deux affaires mérite d’être ici reproduite : "Attendu que le délit d’atteinte à la liberté et à l’égalité des candidats dans les marchés publics est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du jour où les faits le consommant ont été commis ; que, toutefois, le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, qu’à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice des poursuites."
De l’énoncé de ce principe, ou plutôt de la juxtaposition de ces deux principes, dont, si l’on y est attentif, l’on ne trouve pas d’exemple à ce jour, y compris pour les délits auxquels ce régime a été d’ores et déjà appliqué, la Chambre criminelle a tiré des conséquences comparables dans les deux espèces soumises à sa juridiction, à savoir la cassation.
Dans la première espèce, la cour d’appel se bornait à énoncer, au soutien du rejet de l’exception de prescription, que le délit de favoritisme "procédait nécessairement d’actes en partie occultes".
Dans la seconde espèce, les juges du second degré, pour rejeter cette même exception, avaient énoncé qu’il s’agissait "d’infractions complexes procédant généralement d’actes pour partie occultes" et avaient de surcroît fixé le point de départ du délai de prescription au jour du dépôt de la plainte auprès du procureur de la République.
Compte tenu du principe exposé plus haut, les arrêts des deux cours d’appel devaient être cassés, au motif qu’en se déterminant comme ils l’avaient fait, "sans établir que les actes irréguliers avaient été dissimulés ou accomplis de manière occulte", les juges du second degré n’avaient pas donné de base légale à leur décision.
Deux remarques doivent être faites à ce propos.
En premier lieu, il convient de souligner que ce n’est pas la nature même de l’infraction qui justifie, aux yeux de la chambre, le report du point de départ du délai de prescription, mais les circonstances concrètes de sa commission, qui varient au gré de chaque affaire.
Le délit de favoritisme, pas plus que l’abus de biens sociaux lui même, n’est considéré comme nécessairement occulte.
Il peut n’être affecté par aucun élément de clandestinité ou de dissimulation, et c’est uniquement lorsque son caractère occulte est établi, par une motivation sur laquelle la chambre entend exercer son contrôle, que le point de départ du délai de prescription peut être fixé à un jour différent de celui de la commission des faits consommant l’infraction.
En second lieu, l’on peut observer que le raisonnement qui a motivé la cassation pourrait être tenu pour un certain nombre d’autres infractions.
Seules les futures décisions de la Chambre permettront de répondre à cette interrogation et de mesurer la portée des décisions qui viennent d’être évoquées.
La position de la Chambre, quelle que soit l’appréciation que l’on puisse porter sur elle, contribue sans aucun doute à l’efficacité des poursuites, en levant, dans certaines occasions où il pourrait exister, l’obstacle de la prescription.
C’est encore un souci d’efficacité qui a conduit certains juges d’instruction à rechercher, dans le cadre des investigations concernant des faits de favoritisme, la collaboration d’agents des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont la chambre a été amenée à fixer les limites.
3) La participation d’agents de la DGCCRF à l’enquête
Parmi les éléments constitutifs du délit de favoritisme figure le fait d’accomplir "un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public."
Une connaissance approfondie de la réglementation est souvent nécessaire pour réunir les preuves pertinentes indispensables à toute décision sur l’action publique. Les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en sont des spécialistes. Leur concours est donc précieux pour l’autorité judiciaire.
La chambre a eu l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles ce concours pouvait être apporté.
Dans un arrêt du 3 décembre 1998 (n° 7159), la Chambre a ainsi cassé un arrêt de chambre d’accusation ayant rejeté la demande d’annulation d’une perquisition effectuée par un juge d’instruction, accompagné, conformément à la commission rogatoire qu’il avait décernée, de membres du SRPJ et d’agents de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
La Chambre a fait valoir qu’il ne résultait pas des constatations de la chambre d’accusation que ces agents eussent prêté serment.
Dans un arrêt publié du 5 mai 1999 (Bull. n° 88), elle a confirmé cette position en précisant le cadre juridique dans lequel peuvent, en l’état des textes, intervenir ces agents.
Un juge d’instruction, chargé d’une information portant notamment sur des faits de favoritisme, avait délivré une commission rogatoire au commandant d’un groupement de gendarmerie et à deux agents de la DGCCRF. La chambre d’accusation avait prononcé la nullité de cette commission rogatoire et de tous les actes postérieurs, en faisant valoir qu’en application de l’article 45, alinéa 3, de l’ordonnance du 1er décembre 1986, ces agents n’étaient habilités à recevoir et exécuter des commissions rogatoires que pour les infractions visées par cette ordonnance et qu’ils n’étaient pas assermentés.
La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé par le procureur général et la partie civile, en indiquant que "le juge d’instruction ne pouvait avoir recours aux agents de la DGCCRF qu’en leur qualité de personnes qualifiées et après leur avoir fait prêter le serment indiqué à l’article 60 du Code de procédure pénale."
A défaut de texte les habilitant spécialement à l’exécution de commissions rogatoires concernant le délit de favoritisme, le recours aux agents de la DGCCRF ne peut donc s’effectuer que sur le fondement de l’article 60 du Code de procédure pénale, qui organise, dans le cadre de la procédure de délit flagrant, le recours à des personnes qualifiées ayant préalablement prêté serment.
La loi du 2 juillet 1998 instituant les assistants spécialisés (article 706 du Code de procédure pénale) a eu pour objet de permettre aux magistrats instructeurs, comme au ministère public des juridictions spécialisées en matière économique et financière, de bénéficier du concours permanent, dans le cadre d’une équipe pluri-disciplinaire, de collaborateurs parmi lesquels figurent des agents de la DGCCRF. Il va de soi, cependant, que, dans les juridictions qui ne bénéficient pas encore de telles facilités, l’aide apportée ponctuellement par ces agents sur le fondement de l’article 60 demeure précieuse.
B. Les éléments constitutifs de l’infraction
La plupart des arrêts rendus par la Chambre sont, sur ce point, motivés de manière lapidaire.
C’est dire que ni la nature des agissements ayant fait l’objet de condamnation par les juges du fond, ni les moyens soulevés au soutien des pourvois, n’ont permis de trancher des points essentiels.
La synthèse effectuée dans le document élaboré par la sous-direction des affaires économiques et financières de la direction des affaires criminelles et des grâces (Premier bilan d’application du délit dit de favoritisme dans les marchés publics et les délégations de service public, juillet 1998), conserve de ce point de vue tout son intérêt, même si elle ne portait pas sur les décisions de la Chambre criminelle.
Néanmoins, il est possible de dresser une liste des faits que la Chambre criminelle a considéré comme constituant à bon droit le délit de favoritisme.
Ont ainsi été rejetés les pourvois formés contre des arrêts de cour d’appel qui avaient condamné des maires pour avoir procuré à autrui un avantage injustifié :
- en attribuant le marché à un groupement d’entreprises, après avoir arbitrairement écarté des entreprises ayant manifesté leur intention de déposer des offres, et en abusant de la procédure d’urgence pour soustraire l’attribution d’un marché de remise en état de voies communales à la procédure qui aurait du être normalement appliquée ; la circonstance qu’il s’agissait d’une simple régularisation d’une situation de fait, dans la mesure où cette situation de fait avait elle même pour source un recours abusif à l’urgence, n’a pas empêché la Chambre criminelle de rejeter le pourvoi (12 novembre 1998, n° 6645) ;
- en attribuant à un même individu intervenant sous le couvert de différentes personnes physiques ou morales huit marchés sous forme de travaux sur mémoires et achats sur facture au mépris de l’article 321 du Code des marchés publics, qui fixe à 300.000 francs le montant maximal annuel de ce type de contrat (30 juin 1999, n° 4460) ;
- en ayant, d’une part, laissé siéger la commission d’appel d’offres avec la participation d’un seul conseiller ayant voix délibérative, en violation du principe de la collégialité des organes délibérant institué par l’autorité réglementaire pour garantir la régularité et l’impartialité de l’attribution des marchés, d’autre part, admis une procédure d’urgence, décidée par une délibération du conseil municipal à laquelle il a participé, en vue de favoriser l’attribution d’un marché à un entrepreneur par ailleurs membre du conseil municipal (15 septembre 1999, n° 5174) ;
- en ayant recours à des avenants pour confier à l’entreprise initialement choisie des travaux de nature différente du marché initial, et en lui commandant irrégulièrement des travaux hors marché sans aucune mise en concurrence (15 septembre 1999, n° 5159) ;
Dans un arrêt rendu le 2 avril 1998 (n° 2219, partiellement publié, sur un autre moyen), la Chambre criminelle a, au contraire, cassé un arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 13 janvier 1997. La Chambre a relevé une contradiction de motifs dans le fait, pour la cour d’appel, d’une part, d’affirmer qu’un marché de régularisation contrevient de par sa nature aux dispositions d’ordre public du code des marchés publics, d’autre part, de ne pas entrer en voie de condamnation en présence d’un tel marché conclu suivant des procédures dont le caractère fictif était démontré. La cour de renvoi devait considérer que le délit était caractérisé et le pourvoi formé contre ce nouvel arrêt, dont les moyens ne portaient d’ailleurs plus sur la caractérisation même du délit, être rejeté (arrêt du 29 septembre 1999, n° 5678).
Au vu de cette énumération, il apparaît que la chambre n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer explicitement sur certains points qui font l’objet d’interrogations de la part de la doctrine, comme l’élément intentionnel du délit, la possibilité de relever l’existence d’une violation d’une disposition légale ou réglementaire qui ne conduirait pas nécessairement à l’octroi d’un avantage injustifié, le contenu même de la notion d’avantage injustifié, etc.
Le hasard des lectures fait que l’auteur de cette étude a découvert en la rédigeant, ces paroles du chancelier Michel de l’Hospital, prononcées à l’occasion d’un discours adressé aux parlementaires, pour la majorité du roi Charles IX : "Les juges qui ne se veulent conformer au législateur sont comme des vogueurs qui tirent au contraire du gouverneur et partant font péricliter le navire ; ou comme le père de famille qui n’est obéi des siens en sa maison. Si vous trouvez, en pratiquant l’ordonnance, qu’elle soit dure, difficile, mal propre et incommode pour le pays où vous êtes juges, vous la devez pourtant garder, jusques à ce que le prince la corrige, n’ayant pouvoir de la muer, changer ou corrompre mais seulement user de remontrance." (Cité dans Histoire et dictionnaire des guerres de religion, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p 136). Ces paroles ne résonnent pas moins aux oreilles des membres de la chambre criminelle qu’à celles de tous les autres juristes. Entre l’obéissance et la désobéissance à la loi se situe le domaine de l’interprétation, et la condamnera-t- on quand elle donne force et vigueur à la loi voulue par le prince ?
Xavier SAMUEL
Conseiller référendaire à la Cour de cassation
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